Pollinisation des Cycadales.

A la demande de Gaetan.
Les Cycadales sont une famille de plantes tropicales et subtropicales, anciennes et primitives, apparues lorsque la terre était chaude et humide avant que les plantes supérieures aient inventé la graine, (avec une pollinisation se faisant à sec , puis une dessication permettant le plus souvent de se conserver longtemps jusqu'à ce que les conditions soient favorables à une germination).
Ces Cycadales existent naturellement sur tous les continents sauf Antarctique et Europe (sans-doute à cause des glaciations), celles poussant en zones les moins chaudes (subtropiques et/ ou altitude) sont acclimatables en zone tempérées à hiver doux (-2°C à -6°c sont les températures les plus froides qu'admettent les feuillage des plantes les plus résistantes au froid, d'où culture habituelle sur Côte d'Azur et côtes suffisamment ensoleillées, sinon véranda).
Les Cycadales sont dioïques (existence de pieds définitivement mâles ou femelles), leurs organes reproducteurs faits de sporophytes sont de volumineux cônes, mâles (allongés) ou femelles (de forme arrondie en "chou-fleur").
Le cône femelle est constitué d'une superposition de sporophytes qui portent des ovules de la taille de petits pois au départ et sont souvent un peu épineux à leur extrémité. Les ovules se développent incomplètement s'il n'y a pas de fécondation.
La fécondation est souvent liée au transport de pollen par des Coléoptères attirés par des substances odorantes que libèrent les cônes mûrs (parfois spécifique d'un Genre voire d'un groupe d'espèces, chez moi les cétoines jouent ce rôle),
d'un cône mâle sur un cône femelle (à condition que le développement soit simultané, ce qui se produit lorsque les individus vivent en groupe, dans la nature ou dans des jardins voisins à moins de 20_40m les uns des autres, comme par exemple dans les villes de la Côte d'Azur). La fécondation se fait en milieu liquide (goutte de liquide dans les ovules, souvent cachée, mais pouvant s'extérioriser qques heures après la fécondation).
Développement des ovules fécondés, aboutit à des fruits colorés (d'orangé ou rouge dans les espèces les plus communes) et à un fort grossissement du cône femelle. Les fruits sont mûrs à la fin de saison chaude et sont entourés d'une partie charnue, qui attire oiseaux et mammifères assurant la dispersion des graines (riches en amidon mais toxiques).
La graine fécondée contient un embryon qui n'est apte à se développer que plusieurs mois plus tard, (c'est sans-doute une adaptation permettant de passer la saison plus fraîche et plus sèche sous les tropiques). Récolter en décembre ou plus tôt si du gel important est prévu. Il est donc inutile (voire dangereux pour les graines),de semer des graines de cycas avant la fin du printemps suivant. Les conserver à plus de 10°C, avec le fruit qui limite le dessèchement de la graine.
Semis des graines, en mai-juin, après nettoyage du fruit et éventuel passage au papier de verre, à demi enterrées dans un substrat se rapprochant de la stérilité (tourbe, perlite), humide mais pas détrempé vers 25°C. Une boite étanche et les températures de saison suffisent souvent (rentrer en pièce chauffée si les graines n'ont pas germé fin septembre). Surveiller 2 fois par semaine l'apparition de la racine primordiale qui se fait par la grosse extrémité de la graine.
Poser délicatement dans la même position (demie-enterrée) la graine germée dans un pot profond sur substrat riche en pierre-ponce dans le cas idéal, substrat sain, aéré et drainant si on n'en n'a pas. NE PAS TOUCHER ET ENCORE MOINS LESER L'EXTREMITE DE LA RACINE OU LA RACINE. Une grosse racine primordiale va se former dans le pot, puis une feuille va apparaître.

Photos et Pollinisation artificielle, suivront.
La video suivante faite par Simon Lavaud, ingénieur, spécialiste français de ces plantes, complète et précise bien mon exposé :

https://cycadales.eu/la-germination-des-graines-de-cycadales/

Merci Pierre pour ce sujet, que je n'avais pas vu passer.

Quand tu dis "La fécondation se fait en milieu liquide", tu parles de la fécondation artificielle par l'homme ?

J'attends la suite ;-)

Non, c'est la faiblesse de ces plantes : -produire de grosses ovules (beaucoup plus grosses que celle des autres Gymnospermes et encore plus que les plantes à graines) consommant énormément d'énergie (gros transfert d'amidon du stipe vers le cône femelle)(chaque ovule est un véritable oeuf avec de grosses réserves d'amidon entourant l'embryon. Quand on récolte des "graines" de Cycas on récolte en réalité des "oeufs" dont l'embryon commence à peine de se développer et qui ne seront aptes à pousser que plusieurs mois plus tard, si les conditions sont favorables)

                                                        -et fécondation par des gamètes mobiles (spermatozoïdes) : (après relecture de David Jones dans "Cycads of the world", seconde édition, livre de référence). Le pollen efficace doit être déposé à l'apex de l'ovule , où existe une goutte de liquide à l'extrémité d'un petit canal (micropyle en Anglais et canal du micropyle), ce liquide sera absorbé par l'ovule avec le pollen, germination du pollen  dans une chambre pollinique, avec production d'un tube pollinique qui se développe en direction de l'embryon, lorsque ce tube atteint l'embryon, il explose, libère les spermatozoïdes munis de nombreux cils assurant la mobilité qui nageront et féconderont l'embryon .
Ce mode de fécondation est très primitif pour les plantes, seul le Ginkgo biloba (également dioïque) a également de grosses ovules et des gamètes mobiles se déplaçant en milieu liquide. Ces particularités ancestrales font appeler Cycadales et Ginkgo "fossiles vivants" et c'est l'un des attraits de ces plantes.
Ce mode de multiplication, a par contre un avantage : il permet à l'embryon de disposer d'une grosse réserve d'énergie permettant un développement initial assez rapide de la plantule; une grande partie des réserves sera utilisée à constituer un énorme (par rapport à la taille de la plantule) système racinaire primitif apte à rechercher l'humidité profondément dans le sol. (d'où mettre les "oeufs" de cycas sur un pot aussi profond que possible (genre pot à rosier).
A ne pas confondre avec la façon de polliniser artificiellement qui peut se faire "à sec" ou en solution d'eau distillée.

Mis au point par des spécialistes amateurs ou PROS.

Buts :
-multiplier des espèces rares de lignée pures dont les populations males et femelles sont distantes et ne pourraient se féconder naturellement. (exemples Encephalartos en Afrique du Sud).
-essayer de régénérer une espèce en voie de disparition en utilisant des sujets femelles proches botaniquement(cas de Encephalartos woodii, dont ne subsiste sur terre que des individus mâles, en utilisant des Encephalartos natalensis comme "mères porteuses").
-en horticulture obtenir le maximum de "graines" d'une espèce pure, ne pas laisser perdre l'opportunité d'un cône femelle.
-produire des hybrides ayant plus de vigueur et associant les qualité des 2 parents par exemple avec Cycas utiliser la vigueur, la résistance au froid (tout est relatif, mais ce sont les qualités reconnues de C.revoluta), l'adaptabilité au sol de C.revoluta ou C.tatugensis et le caractère inhabituel d'autres espèces (grand développement, port vertical des feuilles, feuillage souple et non piquant, pinnules divisées plusieurs fois, aspect très tropical...). Des hybrides pouvant pousser en climat tempéré (zone climatique de beaucoup de pays développés "consommateurs de Cycas).
Les pollinisation croisées de hasard, non réfléchie ont peu d'intérêt.

Préalables :
-disposer d'une plante femelle adulte vigoureuse.
-avoir une réserve de pollen déshydraté dans des tubes étanches( déshydratation préalable en sac en papier avec du riz d'un paquet intact), d'une espèce parfaitement identifiée, étiqueté et congelé.

Pollinisation.
S'assurer que le cône femelle est complètement développé et réceptif. Ce dernier critère demande un peu d'expérience surtout pour les cônes femelles d'autres espèces que C.revoluta.
Pour C.revoluta le volume du cône est à peu près celui d'un chou fleur,  les sporophylles s'écartent (c'est bien visible, le cône semble tout ébouriffé) et émettent une légère odeur en fin de journée (cette odeur est plus intense si l'air est humide ou pour certaines espèces comme C.tatungensis).
Autres espèces de cycas, le cône d'abord assez ferme, devient mou et émet un odeur vespérale.
Si on a un doute ce n'est pas grave, la réceptivité dure qques jours.
Genres différents comme Zamia ou Ceratozamia, les écailles du cône femelle s'ouvrent quand le cône est réceptif.

De préférence un soir (maxi de réceptivité et températures modérées n'agressant pas le pollen).

A sec, si on dispose d'une bonne quantité de pollen, une main gantée (ça pique, un peu pour C.revoluta, beaucoup plus pour d'autres espèces) écarte les feuilles du cycas pour bien voir le cône puis les sporophylles pour voir les petits ovules verts, l'autre main plonge un pinceau (bien sec) dans le pollen et le disperse sur les ovules. On écarte successivement et aussi méthodiquement que possible les sprophylles pour féconder le maximum d'ovules, sinon rapidement on ne sait plus ce qui est fait et non fait.

Pollinisation méthode humide. Cycas, surtout pour pollens précieux qu'on a en petite quantité. Méthode très utile pour Zamia et Ceratozamia.
Le pollen est dilué extemporanément (sur le champ, car le pollen a horreur de l'humidité) dans qques millilitres d'eau distillée stérile.
La solution est placée dans un aérographe (consacré à cet usage) et pulvérisée entre les sporophylles écartés.

Si on a un doute et assez de pollen, on peut récidiver 2 ou 3 soirs de suite.

Résultats.
Le cône se ferme. et /ou se raffermit en qques jours, puis grossit en qques semaines. Si on écarte avec précaution les sporophylles ,
on voit les ovules qui grossissent peu à peu puis se colorent.
A terme le cône est devenu très gros et laisse souvent apercevoir les "oeufs".

Là aussi Simon lavaud a produit un excellent document :
https://cycadales.eu/la-conservation-du-pollen-de-cycadales/

En image si Gaetan veut bien placer ici , ou après, sa superbe photo de cône femelle réceptif de C.revoluta, je montrerai le résultat d'une pollinisation.

Voici

Merci Gaetan, c'est à ce stade qu'il faut polliniser : aspect ébouriffé par écartement des sporophylles montrant les ovules (on en voit un dans une cavité dans l'axe de prise de vue, un peu à droite du centre de la photo.

Cycas revoluta, sporophylles écartés pour pollinisation. On voit la grande quantité d'ovules qui, une fois pollinisés vont beaucoup grossir, passant de la taille d'un pois à celle d'un abricot avec augmentation de la taille du cône.



Cône fécondé en cours de développement. Grossissement presque achevé, couleur définitive.]

[/url]

Même stade, gros plan sur fruits :

CYCAS TAITUNGENSIS.
Vue générale de la plante dont les feuilles sont plus longues et "plates"/ C.revoluta, et du cône fécondé.


"Graines très velues, d'une couleur différente de C.revpluta.



CYCAS HYBRIDE X REVOLUTA x MULTIFRONDIS.
Pousse l'année suivant la production d'un cône femelle. Les feuilles de cet hybride sont très érigées comme le parent C.multifrondis.

Toujours allongés, plus ou moins grands.

C.REVOLUTA.
"Accouchement" d'un jeune cône mâle.


Cône mâle développé et cétoine (photo rare)



Détail : cétoine attiré par l'odeur du cône mâle qui va s'insinuer entre les écailles et se couvrir de pollen.

CYCAS PANZHIHUNANENSIS.




C.HYBRIDE Revolutax MULTIFRONDIS.

Toutes ces photos sont très intéressantes, et permettent de mieux comprendre ces plantes que je trouve fantastiques.
Ah, si j'avais plus de place...

Merci. Oui, leur caractère primitif et leur géométrie quasi parfaite (feuillage et cônes), le fait qu'il s'agit d'une flore souvent relictuelle, parfois apte à tenir la concurrence avec les Angiospermes (cas des Cycadales asiatiques, australiennes ou d'Amérique centrale), parfois devant s'isoler pour survivre sur des sites montagneux peu accessibles aux plantes supérieures et aux hommes (cas des Encephalartos d'Afrique du Sud), les rend attirants. Je pense actuellement qu'à part des brigands ne pensant qu'à l'enrichissement rapide en dérobant des plantes adultes sauvages, la réglementation de leur déplacement et de leur commerce, la prise de conscience de leur caractère souvent rare voire en danger d'extinction, et le changement de mentalité des hommes, la plupart des amateurs de ces plantes les respectent et même les vénèrent comme végétaux ayant connu les dinosaures.
Leur culture raisonnée peut être un moyen de les sauver : Cycas revoluta  est de loin et depuis très longtemps, l'espèce la plus cultivée et une des moins en danger.

Géométrie quasi parfaite d'un cône mâle de C.revoluta :



Animalité de la pousse de C.revoluta :



Toutes les photos de ce sujet de la pollinisation par Pierre deSFA dans son jardin. Merci à Gaétan pour sa photo du cône femelle réceptif.

Photos superbes, explications pas moins.

merci beaucoup.

" La solution est placée dans un aérographe (consacré à cet usage) et pulvérisée entre les sporophylles écartés. "

Jamais je n'aurais cru qu'un aérographe aurait pu servir à cela (!)

Dommage que ce type de plante soit relativement rare en culture, mis à part pour C. revoluta, sinon je me serai servi de tous tes conseils Pierre.

Oui, c'est une affaire plutôt de spécialiste, d'abord il faut avoir des plantes femelles adultes et que l'hybridation vaille le coup, je pollinise avec Simon Lavaud, moi je fais à sec, lui il utilise l'aérographe.

Désolé pour mon matérialisme primaire, mais ces ovules, ça se mange?

L'amidon des ovules ou des troncs (stipes) des Cycadales est comestible, après un processus complexe de détoxication que maîtrisait assez bien les populations tropicales, mais rétrospectivement on se demande si certaines pathologies de ces populations ne seraient pas liées à ces toxines incomplètement évacuées. Donc DANGER.